D’importants mouvements de protestations ont marqué le début de l’année 2008 au Pérou, en particulier dans la région de Cusco, capitale touristique et archéologique de l’Amérique du Sud, en réaction à une série de lois, adoptées en décembre 2007, portant sur la privatisation du patrimoine culturel péruvien.
Granpaititi.com donne aujourd’hui la parole à un archéologue de Cusco, Raúl del Mar Ismodes, au sujet de ces nouvelles dispositions. Écoutons-le :
La richesse du Patrimoine Culturel Matériel et Immatériel de la Nation Péruvienne possède des particularités singulières, notamment dans le caractère monumental de ses oeuvres ainsi que dans les installations archéologiques plus petites. L’aménagement et la gestion de ces vestiges culturels de la civilisation inca, ainsi que leur conservation et leur protection, sont très délicats et complexes à mettre en oeuvre.
Dans ce monde globalisé le capitalisme économique des grands monopoles touristiques s’intéresse actuellement de très près au riche patrimoine culturel du Pérou, à travers une série de lois qui autorisent la concession de superficies adjacentes à ce patrimoine culturel. La loi Nº 29164 et la Loi N° 29167, portent atteinte à l'authenticité des biens immeubles ainsi qu’à leur environnement paysagé. Les uns et les autres sont parties intégrantes de ce patrimoine culturel et constituent les éléments de la cosmovision du monde andin.
Ces lois funestes sont anticonstitutionnelles, car elles ignorent que l’Etat lui-même est dépositaire du patrimoine culturel de la nation. Dans ce sens le peuple de Cusco a réaffirmé, par la lutte, son attachement constant pour la protection et la conservation de son identité culturelle. C’est la raison pour laquelle les Cusquéniens se sont récemment mobilisés, à travers une marche de protestation et la participation de plus de cent mille manifestants. Cusco fut ainsi entièrement paralysé.
Le peuple de Cusco, représenté par son Assemblée Régionale, repousse catégoriquement la privatisation des biens immeubles de son patrimoine culturel. Cette loi, qui a son propre nom -"Privatisation du Patrimoine culturel de Cusco"-, a été approuvée le 20 décembre 2007, profitant que les Péruviens étaient en train de se préparer à célébrer la naissance de l'enfant Jésus. À partir de cette date, les Cusquéniens ont été dans une lutte constante pour que ces lois soient abrogées par le Congrès de la République du Pérou. A cet effet, ils ont approuvé une grève régionale le 7 février 2008, qui a été l'une des manifestations populaires les plus importantes que n’avait connu la ville pour la défense de son patrimoine. La grève paralysa toute la région du Cusco.
Ces actions de protestations visaient à ce que le Congrès de la République abroge cette série de lois. Mais, comme il fallait s’y attendre, les grands Lobbys nationaux et Internationaux de tourisme ont cherché par tous les moyens à empêcher cette abrogation. Ainsi, le Congrès n’a finalement réalisé que quelques modifications symboliques, au détriment des habitants de Cusco, ne changeant en rien ni le sens ni l’esprit des ces lois funestes de privatisation. En réaction à ces fausses améliorations, le peuple de Cusco s’est de nouveau mobilisé pour obtenir l’abrogation pure et simple de ces lois favorisant certains groupes trans nationaux de tourisme par exemple pour la construction d’hôtels et de restaurants cinq étoiles au cœur de zones historiques, symboles de la civilisation andine.
Les 21 et 22 février 2008, une nouvelle paralysie de la ville fut relayée dans l’opinion publique nationale et dans le monde entier.
Un grand nombre de citoyens s’interrogent sur les raisons de telles lois qui attentent tellement aux fondations de l’identité péruvienne. Parce qu'il continue à gouverner dans le dos du peuple, le centralisme de Lima, avec ses bureaucrates, continue d'insulter l'intelligence des Péruviens, après avoir déclaré que les cusquéniens ne pouvaient comprendre l'esprit de ces lois funestes. Ainsi, le pouvoir continue à regarder avec des yeux indifférents ces mobilisations du peuple, mentionnant qu’elles n’étaient le fait que de quelques centaines d’individus.
Les insultes à l’encontre des Cusquéniens, selon lesquelles nous serions "terroristes", amènent les citoyens de Cusco à réagir. Nous sommes défenseurs de notre identité culturelle. La patrie ne se vend pas. Le patrimoine culturel se défend. Le patrimoine culturel n'est pas une marchandise. Alors qui a la raison et qui a tort ? Ce gouvernement néolibéral d'extrême-droite et sa course folle aux privatisations tout azimut, ou bien le peuple organisé qui ne cherche qu’à défendre son patrimoine et à démontrer que son identité culturelle n’est pas à vendre ?
Et pourquoi également ne pas privatiser Machu Picchu ? Qu’ils privatisent Chan Chan aussi ! Que l’on privatise la Chapelle Sixtine ou le Parthénon ! Que l’on privatise la Cordillère des Andes ! Que l’on privatise la mer, l'eau et l'air ! Que l’on privatise la justice et la loi ! Que privatise l'Etat ! Que l’on privatise tout !
Raúl del Mar Ismodes,
Archéologue
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